La Belgium Peak Beer vs La Culminante, deux concepts de microbrasserie radicalement opposés se disputent le sommet de la Belgique. La qualité de l’eau de brassage y serait-elle pour quelque chose ?
Les randonneurs qui sillonnent le plateau des Hautes Fagnes connaissent bien ce miroir au tain noir que tendent au ciel les ruisseaux nés des tourbières. Quand on s’y penche, on se rend compte que leur onde est aussi transparente que celle du Héron de la fable de La Fontaine. On peut y voir chaque détail du fond. Cette eau serait-elle magique ? L’acidité élevée de la tourbe lui a en tout cas conféré des qualités tout indiquées pour le brassage.
Pour brasser, il faut une eau pas trop chargée en sels minéraux et avec un pH peu élevé, autrement dit une eau acide. Quand le pH est trop élevé, entre 8 et 9, on a affaire à des eaux basiques, lourdes, qui ne vous feraient pas la moindre petite bulle. Le brasseur doit alors corriger l’eau en y ajoutant, par exemple, de l’acide lactique ou en utilisant des malts torréfiés à l’excès.
L’acidité de l’eau ne pose évidemment aucun problème de santé. Elle est même très appréciée sous forme d’eau minérale et carbo-gazeuse. Elle peut toutefois avoir un effet corrosif sur les canalisations, c’est pourquoi la Région wallonne fixe comme impératif d’avoir une eau de distribution proche du pH neutre de 7. Il existe une exception pour les Hautes Fagnes et la Haute Ardenne où le pH naturel peut parfois descendre jusqu’à 4,5. L’eau captée à Waimes, par exemple, possède en moyenne un pH de 5,6, ramené aux environs de 6,9 pour le réseau de distribution.
Sans doute est-ce déjà une bonne raison pour trouver deux microbrasseries plutôt récentes sur le toit de la Belgique. L’engouement actuel pour le brassage artisanal, autrement dit la hype du craft, en est une autre. Toujours est-il que sur la commune de Waimes, qui porte le fameux Signal de Botrange, existent aujourd’hui la petite Brasserie artisanale les Mûriers, avec sa gamme La Culminante, et la Belgium Peak Beer, un projet plus ambitieux, qui a aussi développé sa propre gamme. La première Culminante est née en 2016, une ambrée baptisée 694. (Rappelez-vous vos cours de géo : 694 m, c’est l’altitude du point culminant du pays.) Lorsque la Belgium Peak Beer s’est lancée début 2018, le nom de baptême s’est imposé en anglais. Cela traduit aussi une différence d’échelle et d’approche. Alors que l’une se concentre sur une distribution limitée et locale, l’autre propose une expérience totale aux nombreux visiteurs du haut plateau fagnard.

Textes et photos: Germaine Fanchamps