Le style craft generation

En bordure de la route du Signal de Botrange, juste à la lisière du Bois de Sourbrodt, un bâtiment moderne bardé de bois attire irrésistiblement le regard. Surtout quand le soleil embrase le cuivre des deux cuves de brassage, bien visibles dans leur loggia vitrée.

C’est le domaine de la Belgium Peak Beer. Quand vous poussez la deuxième porte du sas d’entrée, l’impression est grandiose. En toute simplicité. À votre gauche : un grand bar dont trois des six robinets de tirage sont reliés directement aux tanks en inox suspendus aux poutres noires du plafond, les trois autres à des fûts. Avec en arrière-plan la microbrasserie et ses cuivres rutilants. À votre droite : un grand coin salon avec un foyer chaleureux. Et devant vous, l’immense respiration d’un espace dégustation et restauration qui s’ouvre sur un paysage des Hautes Fagnes époustouflant.

L’aménagement est d’une simplicité quasi monacale, mais de moines ayant le sens du design. Les gens qui viennent s’attabler ici sortent aussi bien de leur voiture que du sentier de randonnée qui passe juste en contrebas de la terrasse. Pataugas welcome ! Il est à peine midi et quasi toutes les tables sont déjà occupées. Il y a à la carte une série de Tartines Bûcherons qui me font de l’œil, j’opte pour la tartine chaude au fromage Valet, une pâte pressée mi-cuite locale qui jouit d’une belle réputation. La serveuse me conseille de l’accompagner de leur Blonde. Bon point : le choix existe entre le verre de 30 ou le verre de 15 cl. Je prendrai bien sûr le 15 cl. C’est d’autant plus judicieux que, si la bière arrive coiffée d’une petite mousse pimpante, celle-ci a tendance à retomber assez vite.

Cette blonde non filtrée a une robe un peu trouble, d’une jolie couleur tendant vers le citron pâle. Un peu comme si elle voulait jouer la confusion avec une blanche. Parfum d’agrume. Goût agréablement houblonné. Très fraîche, elle fait le job comme apéritif. Quand ma tartine vient la rejoindre sur la table, je découvre une assiette joliment dressée, avec trois croûtes au fromage grésillant, un gratin dauphinois et une petite salade. Mie du pain bûcheron aérienne, fromage goûteux sur jambon artisanal pas trop salé. Un mets de saison simple mais bien enlevé ! La blonde de 6% en tranche subtilement le gras.

Voilà qui donne envie d’en savoir un peu plus sur cette bière, comment elle est faite et par qui. Je prends donc rendez-vous pour un entretien.  Martin Luthers, le jeune maître brasseur qui a conçu l’installation de brassage et élaboré les recettes des bières a pris quelques jours de congé. C’est le deuxième brasseur, Maurice Collard, qui est aux manettes. Ce jeune Eupenois, formé en microbrasserie à l’IFAPME de Villers-le-Bouillet, se prête volontiers à la tâche de me faire visiter la brasserie, d’autant plus qu’il est déjà rôdé à l’exercice. Les visites guidées pour groupes font depuis le départ partie de la donne. Nous nous dirigeons vers les deux cuves en cuivre dont Maurice va immédiatement régler le tableau de commande. Ces petits bijoux, en pleine activité, ne sont pas seulement là pour faire joli…

Les deux cuves travaillent en team. Celle de droite est la cuve d’empâtage, où le malt concassé sur place est mélangé à de l’eau chaude (l’eau provient d’un captage protégé, juste en face de la brasserie, en lisière du bois). La température augmente graduellement de 52 à 78°C pour dégrader l’amidon en sucres simples. Le contenu de la cuve n° 1 passe alors dans sa coéquipière, avec deux étages intérieurs, qui a pour fonction de filtrer le mélange afin de ne retenir que le liquide, le moût. Les résidus solides, les drêches, serviront à l’alimentation du bétail d’un éleveur local. Le moût, quant à lui, repart dans la cuve n° 1 où il est chauffé jusqu’au point d’ébullition et maintenu à 100°C pendant une heure. C’est à ce moment qu’on ajoute les houblons, qui apportent l’amertume et les arômes, ce sont essentiellement du Cascade et de l’Amarillo américains.

La suite du processus se déroule dans les coulisses, dont je franchis la porte en m’attendant à y découvrir deux ou trois petits tanks de fermentation. Tagadam ! J’ouvre de grands yeux et Maurice s’amuse de mon étonnement. “Quand nous avons commencé, en février 2018, il y avait 4 tanks installés. Très vite, nous avons dû passer à 5, puis à 6, et nous en sommes déjà à 11 fermenteurs !” Pour une production annuelle de ?… “L’idée, la première année, était de faire 700 hectolitres. En fait, ce sont 2.700 hectos qui ont été produits en 2018. On vise actuellement les 4.000 hectolitres…” Autrement dit 400.000 litres ! À raison de 2.000 litres par jour de brassin, cela représente 200 jours de brassage. “Et qui ne sont pas également répartis. Pendant la période des fêtes, on tournait à un brassin par jour. En période plus creuse, c’est deux ou trois par semaine…”  

C’est dans cette petite cathédrale d’inox que la future bière poursuit son parcours. Les levures qui lui sont ajoutées dans les cuves vont y transformer les sucres en alcool et en CO2 lors de la fermentation à 22°C. Après une période de garde à 4°C, la bière s’est clarifiée naturellement. On lui ajoute alors un peu de sucre pour amorcer la refermentation en bouteille. L’embouteillage a lieu sur une petite chaîne automatique avec étiqueteuse intégrée. Les bouteilles passent ensuite pour 7 à 10 jours en chambre chaude (22°C). Au bout du compte, la bière est pétillante et peut être refroidie pour la dégustation. La gamme Belgium Peak Beer comprend quatre bières de base. La Blonde de 6% aux notes d’agrumes et florales, avec houblonnage à cru. La Brune de 8,5%, basée sur une sélection de cinq malts et sans épices, notes torréfiées et de caramel. La Triple de 8,5%, avec une belle longueur en bouche. La Myrtille de 4,5%, fruitée mais sèche, avec sa jolie acidité de fille des fagnes. En 33 cl, elles sont déjà incontournables dans la région, tant dans l’horeca qu’en grande distribution. Mais il y a d’autres créations que vous n’y trouverez pas…

Ces bouteilles de 75 cl de bières élevées en barrique de Jack Daniel’s ou de Sauternes sont uniquement disponibles au shop de la brasserie à Sourbrodt.  Quoi, en à peine un an d’existence ils ont même sorti des Barrel Aged ! Il y a un sérieux business model là-derrière.  Les deux investisseurs à l’origine du projet, tous deux d’Aubel, dans le Pays de Herve tout proche, ont mûrement réfléchi leur concept avant de se lancer dans l’aventure. Avec un flair d’hommes d’affaires et un goût d’amateurs de bières.

                    Dégustation, restauration, shop, visite de la microbrasserie, ateliers de brassage pour groupes, itinéraires de balades, liste des points de vente etc… www.peak-beer.com

Dernière minute : Au moment de mettre en ligne, une newsletter tombe dans ma boîte mail annonçant une soirée d’accords mets et bières avec les Peak Barrel Aged pour le samedi 30 mars. À découvrir aussi sur le site web.

Textes et photos: Germaine Fanchamps